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Une recette, une histoire… Le Colcannon
Le Colcannon est le plat traditionnel irlandais par excellence servi le soir d’Halloween.
En 1735, William Bulkeley (1691–1760), propriétaire terrien gallois, découvre le Colcannon lors d’un dîner à Dublin, le soir d’Halloween. Il mentionne ainsi ce plat dans son journal qui est également connu sous l’appellation Bulkeley Diaries. Ce journal revêt une certaine importance pour tout historien qui souhaite retracer la vie d’Anglesey (île et comté de l’extrême nord-ouest du pays de Galles) au XVIIIe siècle. C’est la première fois que le « Coel Callen » (Colcannon) est formellement décrit comme un mélange de chou bouilli, de pommes de terre et de panais.
Le Colcannon, plat des prolétaires
Plus qu’une « simple purée » de pommes de terre et de chou, le Colcannon reflète l’âme irlandaise. Ce plat est tellement apprécié qu’une chanson traditionnelle Colcannon également appelée The Skillet Pot a fait l’objet de multiples interprétations dont celle de Mary Black.
Dans sa forme la plus simple, le Colcannon est composé de quatre ingrédients : pommes de terre, beurre, lait et chou (vert ou frisé). Or, la pomme de terre et le chou sont des aliments de base qui ont longtemps assuré la subsistance de la population la moins aisée d’Irlande.
En effet, le chou fait partie intégrante de la cuisine irlandaise depuis des milliers d’années puisque l’introduction de ce légume en Europe et en Irlande reviendrait selon les sources aux Celtes à l’époque de l’âge du fer ou plus tardivement aux Romains. Quant à la pomme de terre, si elle est originaire principalement du Chili et du Pérou, son adoption en Europe et en Irlande fut rapide car simple à cultiver et garantissant par ailleurs une satiété rapide à moindre coût. Son introduction en Irlande fait également débat. Certains en attribuent la paternité à l’écrivain et explorateur Sir Walter Raleigh qui aurait ramené ce tubercule suite à une de ces expéditions. Ce dernier aurait en effet planté des pommes de terre dans son domaine de Myrtle Grove à Youghal, dans le comté de Cork. Néanmoins, aucun fait historique n’apporte crédit à cette théorie qui relève certainement du mythe. Ce sont plus probablement des navires espagnols qui auraient amené la pomme de terre en Irlande vers la fin du XVIe siècle.
Le Colcannon est la parfaite symbiose de l’Irlande ancienne et moderne. Le chou a ainsi une place importante dans le régime ancestral de ce pays et la pomme de terre est un complément idéal permettant d’apporter l’énergie nécessaire aux ouvriers. Il va s’en dire que la Grande Famine de 1845 à 1852 causée par le mildiou, maladie due à un champignon parasitaire, eut des conséquences désastreuses. Environ un million de personnes sont mortes de faim ou ont succombé aux épidémies tandis qu’un million et demi d’autres ont quitté l’Irlande en tant que migrants pendant cette période. Elles ont essentiellement émigrer en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle Zélande.
Le Colcannon, de l’Irlande aux États-Unis
Cela peut sembler étrange qu’un plat aussi simple puisse être mis à l’honneur durant la fête d’Halloween. Toutefois, Halloween doit être rapprochée de l’ancienne fête gaélique de Samhain (prononcez “Sa-ouine”). Souvent traduit par « Fin de l’été », Samhain désigne le mois de novembre en gaélique ou en irlandais et écossais moderne. Cette fête païenne marque le début du Nouvel An celtique et l’ouverture de la porte de la saison sombre. La croyance populaire veut que les frontières entre le monde des vivants et de l’au-delà soient ouvertes durant Samhain. Cela permet ainsi aux morts et aux êtres surnaturels de transmettre plus facilement des messages aux vivants. C’est la raison pour laquelle les « jeux de voyance » sont intimement associés aux célébrations d’Halloween et aux traditions irlandaises ; le Colcannon servant ainsi de medium.
Durant la soirée appelée Colcannon Night, le Colcannon est utilisé pour prédire les mariages et leur devenir. La tradition veut qu’une célibataire, les yeux bandés, cueille la tête de chou vert ou de chou frisé (kale) du jardin qui doit être cuite dans le plat de Colcannon. Des bagues, des dés à coudre, des pièces de monnaie, … sont emballés et cachés dans des bols remplis de Colcannon. Si une célibataire découvre une bague dans son bol de Colcannon, un mariage serait à prévoir dans l’année. Si elle découvre une pièce de monnaie, un avenir de richesses l’attend mais a contrario, c’est un avenir de pauvreté qui l’attend si un chiffon est placé dans le bol de Colcannon. La découverte d’un bâton présage un mariage malheureux, un bouton signifie le célibat à vie et le dé confirme le statut de célibataire. Une autre coutume veut que des jeunes filles pleines d’espoir remplissent un bas de leurs premières et dernières cuillerées de Colcannon. Elles le suspendent à la porte d’entrée dans l’espoir que le prochain célibataire à franchir la porte sera celui qui les épousera.
Le Colcannon est un plat également présent aux États-Unis du fait de la grande proportion d’immigrés irlandais dans ce pays qui ont représenté un tiers des immigrants américains entre 1820 à 1860. Nostalgie de leur terre natale ou plat de subsistance face aux conditions difficiles, les Irlandais ont continué à cuisiner le Colcannon une fois arrivés aux États-Unis. Ce plat traditionnel est devenu un incontournable des tables américaines le jour de la Saint-Patrick. À travers ce plat, c’est toute la culture irlandaise qui est célébrée et reconnue aux États-Unis.
Le Colcannon, une étymologie sujette à débat
L’origine exacte du mot Colcannon est incertaine. Toutefois, plusieurs théories sont régulièrement évoquées pour en expliquer le sens.
Colcannon viendrait de l’expression gaélique Cal ceannann. Cette expression signifie « chou à tête blanche » ou « chou à face blanche ». La couleur blanche ferait ainsi référence au « blanc » des pommes de terre mélangées au chou.
Pour d’autres, Colcannon serait un dérivé de vieux mots irlandais Cal (choux) et Cainnenin (ail, oignon ou poireau). Dans ce cas, cela corroborerait l’hypothèse que l’origine de ce plat serait antérieure à l’introduction de la pomme de terre en Irlande.
Le terme Colcannon pourrait également trouvé ses origines dans une soupe aux poireaux galloise connue sous le nom de cawl cennin, littéralement « bouillon (de) poireaux ».
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Comme le Colombo aux Antilles, il existe de nombreuses variantes de cette recette. Pour certains, point de salut si les légumes verts ne sont pas bouillis alors que d’autres préféreront sauter les légumes verts dans du bacon pour plus de saveur. Certains utiliseront du chou vert alors que d’autres l’apprécieront avec du chou frisé. Eh oui, le kale, ce n’est pas que des chips ! Le Colcannon est aussi une cuisine des restes puisqu’il peut être dégusté lors du petit-déjeuner le lendemain matin sous forme de galettes frites. Il peut également être frit avec des restes de viande afin de réaliser un Bubble and squeak.
Recette adaptée de Nigella Lawson’s Brown Butter Colcannon Mash
Colcannon
- 20 octobre 2021
- 4-6
- 1 hr 10 min
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Ingredients
- 1 à 1,25 kg de pommes de terre de type Ratte du Touquet ou Bintje de taille uniforme de préférence
- 200 g de chou kale une fois dépouillé des tiges, soit environ 300 à 400 g avec les tiges
- 250 ml de lait entier
- 4 oignons nouveaux ou ciboules selon la saison
- 150 g de beurre non salé
- Sel
- Poivre
Directions
- Step 1
- Retirez le cas échéant la boue des pommes de terre et mettez-les entières dans une grande casserole d’eau froide de telle sorte que l’eau recouvre les pommes de terre. Salez à raison de 10 g par litre d’eau puis couvrez la casserole.
Faites-les cuire à couvert à petits frémissements, pendant 20 à 40 minutes. Les pommes de terre sont cuites lorsque la lame d’un couteau les traverse facilement. - Step 2
- Pendant que les pommes de terre cuisent, préparez les 400 g de chou kale (voir « Technique culinaire »). Faites-le cuire durant 5 minutes dans une poêle avec une petite quantité d’eau bouillante salée jusqu’à ce qu’il soit tendre. Égouttez-le et retirez l’excès d’eau en prenant garde de ne pas vous brûler. Réservez en couvrant la poêle afin de conserver la chaleur.
Tranchez finement et entièrement les 4 oignons nouveaux ou ciboules (voir « Technique culinaire ») et réservez-les. - Step 3
- Une fois que vos pommes de terre sont cuites, sortez-les doucement de l’eau en utilisant une écumoire afin d’éviter qu’elles ne se gorgent d’eau. Pelez-les en vous aidant d’un torchon car elles sont encore chaudes.
Videz la casserole de son eau puis remettez-y les pommes de terre, feu éteint. Laissez évaporer l’excédent d’eau des pommes de terre 4-5 minutes ce qui aidera à concentrer les saveurs et donnera plus de goût au Colcannon. - Step 4
- Pendant que l’eau s’évapore des pommes de terre, réalisez un beurre noisette (voir « Technique culinaire ») puis ajoutez-y les oignons nouveaux ou ciboules finement tranchés, ce qui fera grésiller votre beurre noisette.
Faites chauffer les 250 ml de lait entier à feu doux jusqu’à ce qu’il soit tiède. - Step 5
- Écrasez les pommes de terre à l’aide d’un presse-purée et ajoutez progressivement le lait entier préalablement tiédi jusqu’à obtenir la consistance d’une purée.
Astuce : Pour éviter un choc thermique qui pourrait rendre votre purée élastique, vous pouvez au préalable ébouillanter votre presse-purée avec l’eau de cuisson des pommes de terre. De même, éviter d’utiliser un mixeur car votre purée perdra tout son moelleux et sera également collante et élastique.
Ajoutez le kale, mélangez soigneusement puis rectifiez l’assaisonnement le cas échéant en y ajoutant du sel et du poivre. Réservez en conservant le tout au chaud. - Step 6
- Versez 2/3 du beurre noisette sur la purée de pomme de terres et de kale puis mélangez délicatement en prenant soin de répartir le beurre noisette uniformément.
Au moment de servir, versez le beurre noisette restant ainsi que les oignons (ou ciboules) sur le Colcannon.