« L’Europe redevient l’épicentre de la pandémie ». Une nouvelle vague déferlante s’est abattue sur nos vies et ce, sans parler du nouveau variant Omicron qualifié de « variant préoccupant » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en raison du « risque très élevé » de transmission. Comme un effet domino, les différents gouvernements prennent des mesures sanitaires pour tenter d’enrayer tant cette 5ème vague que le nouveau variant afin de protéger leurs systèmes de santé vacillants. Outre, le rappel vaccinal, les gestes barrières reviennent sur le devant de la scène augurant un usage encore plus massif des masques jetables ou réutilisables.
En parallèle, la COP26 s’est terminée « par un accord de « compromis » sur le climat (…) qui reflète les intérêts, les contradictions et l’état de la volonté politique dans le monde aujourd’hui » (voir à ce titre l’article d’ONU Info dressant le bilan de la COP26).
Quel est le rapport me direz-vous entre la 5ème vague de la Covid-19, Omicron et la COP26 ?
Le recyclage des masques chirurgicaux et le geste que nous – simples citoyens – pouvons faire pour sauver notre Planète… du moins pour celles et ceux qui ne portent pas de masques en tissu homologué de catégorie 1.
Dans ce dernier cas, des solutions d’upcycling existent déjà. Sous réserve d’avoir quelque talent en couture, il est ainsi possible de transformer en pochette, trousse, chiffon, éponge, vêtement de poupée, etc. son masque en tissu.
Recycler les masques chirurgicaux ? Est-ce vraiment utile ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les masques chirurgicaux ne sont pas en tissu mais sont composés à 90% de polypropylène (polymère thermoplastique semi-cristallin). Du plastique qui est jeté au mieux dans la poubelle des ordures ménagères voire qui atterrit négligemment sur la voie publique.
Difficile de connaître le chiffre exact de masques utilisés en France depuis le début de la pandémie. Selon la mission flash sur le traitement des masques usagés, l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT) estime que rien que pour l’année 2020, « entre 6,8 et 13,7 milliards de masques à usage unique auraient été utilisés en France » à hauteur d’un ou deux masques à usage unique par jour. Tout ceci a représenté 40 000 tonnes de déchets non recyclés cette même année selon l’évaluation de la Direction générale de la Prévention des risques (DGPR).
Et bonne nouvelle, ce plastique peut être recyclé… sous réserve d’emprunter la bonne voie de recyclage. Parce que du plastique non recyclé finit inéluctablement dans nos océans. Or, en 2020, on comptait déjà 1,5 milliard de masques amoncelés dans nos océans d’après l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Des doutes sur le devenir de nos déchets plastiques ? Alors, n’hésitez pas à écouter le podcast de L’Heure du Monde, « Le plastique, de l’opportunité au désastre » ou encore à visionner la vidéo TED ci-dessous d’Emma Bryce, « Ce qui arrive réellement au plastique que vous mettez à la poubelle ».
Que faire alors pour recycler les masques chirurgicaux ?
Certes, il pourrait sembler évident de placer ces masques dans les poubelles dédiées au recyclage des déchets en plastique. Le polypropylène, c’est du plastique non ?
Oui, c’est du plastique mais les installations de tri automatisées existantes n’ont pas été conçues pour traiter ce type de déchets « trop légers et dont les élastiques se coincent dans les machines de tri ». Sans compter le risque encouru par le personnel de tri amené à manipuler des masques potentiellement infectés sans avoir la protection adéquate.
Alors que faire ?
Et c’est là que nous, simples citoyens, entrons en scène. Car plutôt que de les jeter dans la poubelle des ordures ménagères, nous pouvons être à l’initiative de la mise en place de points de collecte dédiés si nous n’en avons pas déjà à proximité de chez nous.
Ces points de collecte devraient se situer dans des lieux collectifs : « dans les grandes entreprises, à la sortie des supermarchés, dans les établissements d’enseignement, dans les lieux d’accueil du public… sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui pour les piles » comme le souligne la mission flash sur le traitement des masques usagés.
Ce mode de recyclage ne pourra réellement se développer que s’il y a massification des flux de masques. En règle générale, nombre de matières, produits, ou emballages ne sont pas recyclés car non rentables. Les coûts de collecte, de tri et de recyclage sont ainsi trop élevés par rapport à la valeur de la matière qui sera revendue.
Le coût de collecte et de recyclage pour les entreprises se lançant dans le recyclage de masques chirurgicaux est nettement plus élevé que les déchets plastiques habituels. À titre de comparaison, la valorisation des emballages en plastique revient à 442 euros par tonne. Elle serait de l’ordre de 19 000 euros par tonne pour les masques jetables collectés par exemple dans les hôpitaux qui sont considérés comme des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) et de 5 600 euros par tonne pour les masques jetables « grand public » récupérés dans des points de collecte dédiés. L’un des moyens de financer cette opération de recyclage est de s’appuyer sur la vente de boîtes permettant de collecter les masques chirurgicaux. Au regard de leur coût qui est généralement au-delà d’une centaine d’euros l’unité, les organisations sont la cible privilégiée.
Alors, pourquoi ne pas proposer des points de collecte de masques jetables au sein de votre organisation ? Cela pourrait être un point de collecte supplémentaire à ceux déjà mis en place notamment dans quelques supermarchés ou mairies ? Cela pourrait également être une action de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) facilement valorisable et communicable dans le rapport RSE de votre organisation ?
Des acteurs engagés dans la collecte et le recyclage des masques existent
Outre la collecte, différentes étapes sont nécessaires afin d’arriver à la phase de recyclage des masques chirurgicaux. Une fois collectés, une mise en quarantaine des masques pouvant aller jusqu’à 1 semaine est effectuée. Les opérateurs munis d’équipement de protection démantèlent les masques en retirant leur barrette métallique et selon les entreprises, les élastiques de maintien.
Vient ensuite l’opération de désinfection des masques aux UV ou à haute température. La partie couvrante du masque est ainsi broyée puis transformée en granulés de polypropylène. Les barrettes métalliques sont fondues afin que le métal obtenu soit réutilisé dans l’industrie métallurgique. Quant aux élastiques de maintien, ils peuvent être mélangés à d’autres plastiques recyclés. Le processus de recyclage des masques est éprouvé et nombre d’initiatives locales sont porteuses d’espoir sur le devenir de cette filière qui n’en est qu’à ses balbutiements.
En effet, en recyclant le polypropylène des masques, de nouveaux produits voient le jour comme du mobilier et des revêtements d’extérieur, des briques et du mobilier d’intérieur, des cintres, du matériel scolaire, des pare-chocs ou des pièces de plastique dans l’habitacle d’une automobile, …
Les possibilités de création de nouveaux produits sont multiples. La collecte de matières premières en polypropylène l’est aussi. Il suffit de penser par exemple au secteur de la restauration qui utilise charlottes et blouses pouvant également être recyclées suivant le même procédé. Alors, quand la pandémie de Covid-19 se terminera et que nous ne porterons plus autant nos masques, le devenir de ces entreprises pourrait ne pas être remis en cause comme ce fut le cas malheureusement avec les entreprises produisant lesdits masques.
Il est peu aisé de dresser une liste exhaustive des entreprises déjà présentes sur ce créneau et qui s’inscrivent dans une démarche d’économie circulaire. Toutefois, si vous êtes déjà convaincue de l’utilité d’un point de collecte de masques chirurgicaux au sein de votre organisation, vous pourrez vous rapprocher d’entreprises comme Plaxtil, l’une des pionnières dans ce secteur, qui recycle les masques notamment en kits de géométrie ou en cintres.
Dans un autre registre, le partenariat de GobUse (pour la collecte) et FabBRICK (pour le recyclage) permet de transformer vos masques chirurgicaux notamment en briques.
TerraCycle est quant à elle une entreprise internationale spécialisée dans la collecte et le recyclage de déchets dits « non-recyclables » afin de détourner ces « milliards de déchets de l’enfouissement et de l’incinération ».
À l’instar de TerraCycle, Elise assure la collecte des masques, massifie la collecte grâce à ses 41 sites en France et les achemine vers le site de son partenaire chargé du recyclage.
Enfin, Versoo collecte et recycle les masques afin d’en fabriquer du mobilier d’intérieur ou des poufs et coussins pour palette banquette.
Encore des doutes sur le recyclage des masques chirurgicaux ?
Voici d’ultimes arguments qui pourront peut-être vous convaincre de l’utilité de participer à votre échelle à la collecte des masques chirurgicaux.
Recycler une tonne de masques, c’est participer à la réduction de l’empreinte carbone
Certes, c’est une évidence mais peut-être est-il de bon ton de rappeler comme mentionné sur le site de l’entreprise Elise que :
« Le recyclage d’une tonne de masques c’est :
- 2 820 Kg de CO2 non rejetées (ce qui correspond à un aller retour Paris Tokyo)
- 830 Kg de pétrole brut épargnés, (ce qui permet de réaliser 5942 km en clio essence )
sources gains environnementaux : ADEME – recyclage du polypropylène »
Les hôpitaux aussi se mettent au recyclage de leurs masques
L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) utilise 110 000 masques chirurgicaux par jour. Forte de ce constat, l’AP-HP a eu « à cœur de s’engager dans la lutte contre la pollution plastique générée par l’usage des masques ». Une expérimentation a donc été lancée cette année auprès du service maternité de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, de la pahrmacie de l’hôpital Rothschild AP-HP et du bloc orthopédique, du service oncologique et du service restauration de l’hôpital Saint-Antoine AP-HP. La société Tri-O Greenwishes, lauréate de l’appel à manifestation d’intérêts (AMI) lancée à la mi-décembre 2020, est chargée de la collecte et du tri des masques avant leur recyclage dans des produits utiles à l’industrie automobile.
Dans la même lignée, le CHU Amiens Picardie a installé, au début du mois de novembre, 120 points de collecte sur ses trois sites. En 2020, 7,5 millions de masques ont été utilisés dans ce CHU. Comme pour l’AP-HP, les masques recyclés servent à créer des produits utilisés par l’industrie automobile (pare-chocs notamment).
Le recyclage de masques, c’est bon pour l’emploi local
Last but not least. Recycler des masques, c’est contribuer à la création d’emplois solidaires pour des personnes en difficulté d’insertion ou en situation de handicap. En effet, la tâche de démantèlement des masques est souvent confiée à des Établissements et service d’aide par le travail (ESAT).
*********************
Alors, prête à rajouter le recyclage des masques chirurgicaux dans la liste de vos bonnes résolutions de l’année 2022 ?
Crédit Photo
Image de Daniel Allgyer provenant de Pixabay